Chapitre 4 / Explications (1996)

Partie... Il avait eu beau ne pas vouloir y croire, elle était partie... Un matin, sans rien dire, sans préambule, sans explication autre que ce petit mot qu'il avait trouvé sur l'oreiller. Bien sûr, il savait que de toutes les manières, elle aurait fini par quitter l'Ecole, au moins temporairement, pour les championnats. Mais pas comme ça. Pas sans daigner au moins le lui annoncer en face. Ironie du sort, c'était lui, cette fois, qui passait des nuits blanches à se demander "pourquoi ?".

Dans son bureau, le classeur qu'elle avait feuilleté lors de leurs retrouvailles regorgeait d'articles nouveaux. La saison s'avérait des plus prometteuses, et Ricky s'attardait partiulièrement sur les articles concernant le gardien. Etait-ce dû à ce qu'elle lui avait révélé ? Il lui semblait qu'on parlait de lui avec plus de détachement, presque comme s'il ne faisait déjà plus partie de l'équipe. Bah... De toute façon, il ne volerait plus, il le savait. Plus maintenant. Plus après tout ça.

Il referma le classeur, non sans un soupir autant agacé que las. Il avait beau dire, il n'arrêtait pas de penser à elle. Combien de fois s'était-il retourné sur une silhouette pour se rendre compte en définitive que non, ça n'était pas elle ? Ca ne pouvait pas être elle. Il aurait dû le savoir instantanément : il ne retrouvait nulle part son parfum si caractéristique. Mais le cerveau humain joue parfois de drôles de tours. Il voulait la revoir. A tel point qu'il imaginait son visage, sa silhouette, ses cheveux - blonds à son grand regret - comme la dernière fois qu'il l'avait vue.

Il savait qu'il y avait d'autres choses à faire, à penser, mais il en était incapable. Chaque fois que le crapaud inventait une nouvelle aberration, il avait des envies de meurtre qu'il taisait simplement parce qu'il ne voyait pas comme il pourrait être utile aux élèves en se faisant emprisonner à Azkaban. Et il ne connaissait pas suffisamment les autres professeurs pour savoir vers qui il pourrait se tourner. Sans Eileen, il ne voyait pas comment entreprendre une rébellion d'une telle envergure. Il n'arriverait à rien seul.

Alors quand la rumeur avait annoncé son retour, il avait été partagé entre la joie et une colère froide et dévastatrice. Un instant, il avait songé à aller l'accueillir. Et puis il s'était ravisé. La moindre des choses serait qu'elle vienne lui parler, qu'elle lui donne d'elle-même une explication. Parce que pendant tout ce temps, il n'avait pas eu la moindre nouvelle. Non, c'était à elle de faire le premier pas. En tout cas, c'était ce qu'il pensait.

Et quand un petit parchemin s'était présenté tout seul à sa fenêtre pour lui donner rendez-vous le soir-même au terrain de Quidditch, il avait encore une fois été sujet à des pensées contradictoires. Refuser, sans rien dire, par esprit de vengeance, la laisser attendre dans le froid pour qu'elle aussi, à son tour, reste dans le doute à se poser mille questions. Ou accepter, parce qu'il avait envie de la revoir, d'entendre sa voix, de sentir son parfum.

Il l'avait déjà perdue une fois, par orgueil. Il n'était plus vraiment prêt à renouveler l'expérience. Même si son visage fermé et ses poings serrés, aux phalanges blanches, en disaient long sur son ressentiment alors qu'il traversait l'Ecole pour se rendre au rendez-vous. Il savait qu'elle n'appréciait guère la façon dont il s'apprêtait ces derniers temps. Le costume trois pièces en velours noir, la chemise blanche et la montre gousset apparente, ça n'était pas trop son truc. Mais pour l'heure, il n'y songeait même pas. Une seule question lui trottait dans la tête.

Pourquoi ? Pourquoi ce silence... et pourquoi cet endroit ?

Quand le son de ses pas révéla à la prof de vol sa présence, Ricardo s'arrêta. Elle avait fait un pas vers lui, mais n'avait pas achevé le geste. Alors qu'au fond, il n'attendait que ça. Même si son regard sombre semblait prêt à la foudroyer sur place. Au fond, il n'attendait qu'une chose : entendre le son de sa voix, enfin. Elle était là, devant lui. Il sentait son parfum dans l'air froid de ce début de février. Mais elle restait silencieuse, le regard baissé. Pourquoi ? Si elle lui avait demandé de venir, c'était qu'elle souhaitait parler, non ? Alors pourquoi ce silence ?

Et puis elle s'effondra à terre, en larmes. La voix qu'il avait rêvé d'entendre sanglotait, et instantanément, ses poings se dénouèrent. C'était tout ce qu'il n'avait jamais pu supporter. Et quand elle releva la tête pour lui dévoiler son visage inondé de larmes, il resta pétrifié, comme si à l'instant, on l'avait changé en statue de glace. Ses prunelles s'étaient adoucies pourtant. Pourquoi ? Pourquoi pleurait-elle ainsi ? N'était-ce pas ce qu'elle avait voulu ? Il avait du mal à saisir le sens de ses propos entre les sanglots qu'elle semblait incapable de réprimer. "Elle" ? Qui ça "elle" ? Poser la question aurait été particulièrement indélicat, et même s'il voulait des réponses, qu'il était prêt à exiger un instant plus tôt, il resta silencieux.

Il s'approcha sans un mot de la jeune femme, s'agenouilla auprès d'elle, et, sans un mot, parce qu'il ne voyait pas quoi dire de toutes les manières, il la prit dans ses bras, la serra contre lui. Pourquoi ? Pourquoi ne lui en avait-elle pas parlé avant de partir ? Un instant, il songea à leur enfance, à cette fois où il l'avait emmené à l'infirmerie après le décès de son grand-père. La situation lui semblait étrangement similaire, bien que - fort heureusement - aujourd'hui, aucun décès ne soit à déplorer.

Elle pleurait dans ses bras, et il était incapable de trouver les mots pour la consoler. Pourquoi ? C'était pourtant son rôle, non ? Bon, il n'avait jamais été très doué pour les grands discours, c'était toujours un calvaire de devoir parler aux élèves d'ailleurs, mais tout de même... Alors pour briser le silence, pour l'heure rompu par les seuls sanglots de l'ancienne griffondor, il finit par articuler cette question, cette interrogation qui revenait sans cesse depuis des heures, des jours, des semaines.

- Pourquoi Eileen ? Pourquoi ne m'en as-tu pas parlé ? Je n'aurais peut-être pas pu beaucoup t'aider mais... mais au moins j'aurais été là...

Sa main caressait doucement la chevelure - châtain à présent - de la jeune femme, et son regard semblait perdu sur un point invisible au devant de lui...

Eileen eut l'impression qu'il s'était déroulé plusieurs heures avant que Ricardo ne s'approche d'elle pour la prendre dans ses bras. Mais il l'avait fait... Il était venu la réconforter. Tout allait mieux. Du moins, l'espérait-elle... La jeune femme ne savait que dire, comment s'expliquer sur son geste. Un professeur qui quitte Poudlard dans une telle période, c'était déjà suspect. Deux, c'était mauvais signe... De toutes les façons, il était plus sécurisant pour l'un comme pour l'autre qu'elle parte seule.

Dans les bras du professeur de botanique, elle se laissa aller, se blotissant un peu plus contre lui pur laisser ses sanglots s'apaiser. Pourquoi ne lui avait-elle pas dit? Pourquoi n'avait-elle attendu son réveil? Parce qu'en partant, elle avait peur de se faire virer et qu'elle ne voulait pas qu'il en soit de même pour lui? Parce qu'elle ne voulait pas qu'il s'inquiète pour sa mère? Parce qu'elle voulait réfléchir à eux en même temps? Elle n'en savait rien. Elle ne réfléchissait pas. Se concentrant simplement sur cette présence apaisante dont elle avait manqué ces dernières semaines. Pour l'amour de lui et la santé de sa mère, elle aurait été prête à abandonner sa carrière. Mais elle savait pertinemment que ni l'un ni l'autre ne l'aurait accepté.

Trop fier, Ricardo l'aurait sans doute quittée pour qu'elle continue. Et sa mère... Sa mèe aurait mis sa vie en danger pour empêcher sa fille d'arrêter pour elle. Eileen était entourée de gens aimants. Et il fallait qu'elle entretienne un secret qui lui faisait si mal... Elle prit une grande inspiration pour tenter de répondre à la question de Ricardo, sans quitter ss bras.

"Je... Je ne voulais pas que tu t'inquiètes. Je ne voulais pas que tu mettes ton poste ici en danger. Mais... Mais maman aurait aimé te voir. Ca, tu peux me croire. Elle n'e pas arrêté de me reprocher d'être venue seule quand elle a su que nous nous étions retrouvés. Et, même avant, elle m'exhortait à te retrouver..."

Elle esquissa un sourire et releva la tête vers l'homme qu'elle aimait.

"Je ne voulais pas te dire ça par lettre. Et je ne pouvais pas attendre pour partir. Et... Je sais que je n'ai pas écrit, mais... Avec le blocus du courrier de l'autre folle, tu n'aurais rien reçu... De toute façon, je ne voulais pas qu'elle puisse lire ce que j'aurais pu t'écrire..."

Elle plongea alors ses yeux bruns perdus dans ceux de Ricardo, attendant anxieusement sa réaction.

Les pleurs d'Eileen se tarirent enfin. Ses sanglots s'apaisaient enfin, et elle inspira profondément avant de reprendre la parole. Il avait attendu, sans un mot de plus. Ca ne servait à rien de l'exhorter à parler tant qu'elle n'était pas prête à le faire. Et à présent, elle semblait vouloir le faire. Qu'il ne s'inquiète pas. Comment aurait-il pu ne pas s'inquiéter ? Qu'il ne mette pas son poste en danger... Et ce qu'il ne l'avait pas plus mis en péril ces dernières semaines, en laissant faire le crapaud, que s'ils en avaient parlé, que s'ils avaient décidé ensemble de la conduite à tenir ? Un mince sourire fleurit sur ses lèvres, amer. Il n'aurait pas abandonné les élèves comme il l'avait fait ces derniers temps s'il avait compris ce qu'il se passait.

Lorsqu'Eileen évoqua l'affection de sa mère à son égard, le souvenir de la sienne refit surface. Elle avait relevé son visage vers lui, et lui expliquait qu'elle ne pouvait attendre pour partir. Le réveiller aurait été si difficile, si long, songeait-elle ? Ah... Il ne pouvait pas revenir en arrière, et pourtant, il aurait voulu lui prouver qu'elle avait tort. C'était vrai qu'à cause de l'autre crapaud, les courriers n'étaient plus envisageables. Alors c'était elle qui était malade... Mme McKrown...

- L'essentiel c'est qu'elle aille mieux, murmura-t-il comme si le son de sa voix pouvait la blesser.

Il aurait voulu ajouter qu'elle n'avait pas à supporter ça seule. Mais ça n'aurait servi à rien. Une pensée insidieuse se frayait pourtant un chemin dans son esprit. Si elle ne comptait pas sur lui dans ces moments-là, à quoi pouvait donc bien servir leur relation ? Si elle ne lui faisait pas suffisamment confiance pour ça, est-ce que son amour pour elle avait véritablement un sens ?

- Que comptes-tu faire à présent, Eileen ?

Et à son sens, ça englobait aussi bien le Quidditch, l'Ecole, que leur relation...

Eileen hocha la tête. Oui elle allait mieux. Ce n'était pas encore formidable, mais elle allait suffisemment bien pour que la jeune femme puisse revenir. Sinon, elle ne l'aurait pas fait. Elle aurait fini par chercher un moyen de pouvoir contacter Ricardo pour le prévenir et, sans doute, lui demander d'assurer ses cours en son absence. Elle ne pensait pas que son absence aurait duré aussi longtemps que cela. Elle avait pu contacter Dumbledore, le directeur étant absent de l'école en ce moment, mais elle n'avait rien pu faire de plus. Elle posa un instant son front contre l'épaule du jeune homme et glissa une main dans ses cheveux. Là, elle poussa un profond soupir. Malgré l'inquiétude, malgré la peur qu'elle avait eue qu'il la rejette, il était là. Il pouvait comprendre. Oui, il le pouvait.

Inconsciemment, la jeune femme avait reproduit le même schéma que lui à la perte de sa mère, même si le scénario était un peu différent. Lors de la mort de la mère de Ricardo, tous deux étaient en froid, ne se parlant plus. Il avait donc vécu cela seul. Et là, elle avait voulu faire la même chose. Elle avait failli perdre sa mère, mais n'avait pu se résoudre à lui en parler, de peur qu'il ne revive la mort de sa mère, ou, peut-être, qu'il ne soit pas là. Et pourtant, il était là. Et elle savait qu'il l'aurait été. Mais, devant l'urgence de la situation, elle n'avait rien pu faire d'auter que partir sans un mot. Elle releva de nouveau la tête alors qu'il prenait la parole. Oui, elle allait mieux. Elle ne put que hocher la tête, tant sa voix étant encore étranglée par les sanglots. Oui, elle allait mieux.

Quant à ce qu'elle comptait faire... Elle n'en avait pas encore la moindre idée. Elle regarda Ricardo un instant qui sembla durer pour elle une éternité puis finit par dire d'une voix étranglée:

"Ne pas tout gâcher, ça serait déjà bien... Etre là, pour toi, pour mes élèves, pour ma mère. Ma carrière passe après."

Ricardo aurait sans doute ri jaune, s'il avait su qu'Eileen avait songé à lui demander de la remplacer, si elle avait dû rester absente plus longtemps. Lui ? Donner des cours de vol ? Alors qu'il n'osait plus approcher un balai depuis deux ans ? C'était une blague ? Bref, fort heureusement, il ignorait les pensées de sa compagnes. Et pour l'heure, tout ce qui importait, c'était qu'elle était là, et que sa mère, comme elle le confirmait, allait mieux. Il ignorait qu'elle comparait leurs deux vécus, et quelque part, c'était mieux ainsi. Sa mère, à elle, n'était pas morte alors qu'elle était en froid avec elle, sans qu'elle puisse lui dire au revoir, fort heureusement. Il ne le lui aurait jamais souhaité. Il savait trop bien quelle poids ça pouvait rester, le remords et la honte de n'avoir pas été là lorsqu'il le fallait. Alors oui, il comprenait qu'elle ait dû partir, même s'il aurait préféré être informé.

Les yeux sombres de l'ancienne gryffondor se perdirent dans les siens, avant qu'elle ne parvienne à répondre, tant bien que mal, des sanglots obstruant encore sa gorge. Ne pas tout gâcher... Etre là pour lui... Pour ses élèves et pour sa mère aussi. Voilà une lourde tâche qu'elle s'assignait. Il la dévisagea longuement après qu'elle se fut tue. Sa carrière passait après ? Il ne devait pas avoir bien compris...

- Tu ne comptes tout de même pas lâcher l'équipe d'Ecosse, Caril ?

Il y avait du reproche dans sa voix, même s'il avait tâché de garder un ton neutre au maximum. Elle ne pouvait pas faire ça. Si sa mère était toujours telle qu'il l'avait connue, elle ne voudrait pas qu'elle abandonne, surtout pas pour elle. Et lui non plus ne souhaitait pas ça, même pour rester auprès de lui.

- Tu lui en as parlé ? Qu'est-ce qu'elle t'a répondu ?

L'étape suivante, ça serait de lui annoncer ce que lui il en pensait. Et elle n'allait pas apprécier, assurément.

La question de Ricardo la fit sursaute. Abandonner l'équipe? Non, elle n'y songeait pas. Elle n'y avait même jamais songé. Prendre du recul, un peu, oui, mais pas abandonner. Elle était trop près du but. L'équipe commençait enfin à prendre un réel essort. Elle parlait de remplacer leur gardien et avait toujours dans l'idée que le nouveau gardien soit l'ancien Serpentard. La jeune femme secoua la tête en signe de dénégation.

"Non, je n'ai pas l'intention de tout lâcher. Maman ne me le pardonnerait pas... Pas après tout ça. Pas après avoir supporté tant de choses..."

A peine eut-elle prononcé ces mots que la jeune femme se blottit à nouveau contre la poitrine de l'homme qu'elle aimait. Non, elle ne leur ferait pas cet affront. Ni à l'un, ni à l'autre. Le Quidditch avait toujours été important dans sa vie, dans leur vie à tous les deux. Elle ne voulait p tout gâcher, mais elle ne voulait pas les perdre.

"Joue avec moi. Recommence le Quidditch. Remonte sur un balai."

La jeune femme releva la tête vers Ricardo et le dévisagea avec un regard empli d'espoir.

"Avec toi, j'aurai la force de tout affronter, de tout supporter. Ne m'abandonne pas. Aide-moi, aime-moi."

Elle tendit une main fine vers le visage du professeur de botanique et lui caressa tendrement la joue. Dans son regard, son amour et son besoin de lui étaient clairement lisibles. Seule, elle ne pourrait pas tout affronter. Mais elle se refusait qu'il soit le soutien de l'ombre. Elle le voulait avec elle à chaque instant. Elle voulait lui rendre sa vie d'avant. Avant cette chute, avant leur séparation.

"Je t'aime, Sioda..."

Quand Eileen secoua la tête, et démenti ses pensées, Ricky soupira de soulagement. Il n'y aurait pas eu que sa mère à lui en vouloir d'une telle décision, songeait-il, mais il n'ajouta rien, et la serra un peu plus contre lui quand elle se blottit de nouveau au creux de son épaule. Jusqu'à ce qu'elle prononce ces quelques mots qu'il ne voulait pas entendre. Il savait qu'elle reviendrait sur le sujet, tôt ou tard. Mais il n'était pas près pour ça.

"Remonte sur un balai"... Ca avait l'air tellement simple prononcé par elle ! Ca ne l'était absolument pas pourtant. Ah ! Bien sûr qu'il aimerait. Il lui en avait tellement voulu pour ça, c'était bien parce que jouer lui tenait à coeur, parce que la frustration de ne plus pouvoir le faire était trop importante... Pendant un instant, il resta le regard perdu au loin quand elle se redressa pour chercher une réponse sur son visage. Et lorsque ses prunelles sombres croisèrent les siennes, il y lut tant d'espoir qu'il sut qu'il n'aurait pas le choix. Il ne voulait pas la décevoir et pourtant...

Ce qu'elle ajoutait était pire encore. Et si lui n'avait pas la force nécessaire pour affronter ses propres craintes ? Bien sûr qu'il ne voulait pas l'abandonner, pas maintenant ! Bien sûr qu'il voulait l'aider, du mieux qu'il pouvait, et plus certainement encore, il l'aimait. Mais est-ce que ça suffirait ? Les doigts d'Eileen sur sa joue lui rappelèrent qu'elle attendait une réponse, et ses yeux le confirmaient plus encore.

- Moi aussi je t'aime, Caril...

Mais... Il ne voulait pas le prononcer, parce qu'elle serait déçue, mais il fallait bien qu'il lui donne une réponse. Et ça ne pouvait pas être un oui inconditionnel, il le savait. Même s'il aurait de loin préféré que ce fût possible.

- J'essaierai.

Ca sous-entendait qu'il pouvait échouer, et il fallait avouer qu'il ne voyait guère comment ça pouvait être autrement. Cela faisait plus de deux ans qu'il n'avait pas touché un balai, parce que dès qu'il s'approchait, il revoyait la dernière scène dont il gardât souvenir du dernier match qu'il avait joué. Mais c'était déjà mieux qu'un "laisse-moi le temps" sous-entendant "des années même"...

Il essayerait... Venant de lui, c'était déjà énorme, et Eileen en était parfaitement consciente. Elle ne lui en demanderait pas plus, jamais, car ce serait injuste pour lui. C'était elle qui avait brisé sa carrière, c'était elle qui était à l'origine de tout ce gachi. Il essayerait, comme il repenserait à sa proposition pour parler avec sa mère. Autant dire que ça ferait partie de ses projets, mais qu'il n'y penserait pas trop souvent pour ne pas se faire de mal. Néanmoins, c'était déjà beaucoup et elle savait que c'était dur pour lui de dire ça.

Eileen sourit tendrement. Plus jamais elle ne voulait quitter la sécurité des bras de son amour d'enfance. Plus jamais.

"Plus jamais..." murmura-t-elle alors en se serrant un peu plus contre lui.

Plutôt mourir que de risquer de le perdre à nouveau. Pourtant, un doute lui vint à l'esprit subitement. Il essayerait, oui, mais à quel niveau? Le Quidditch, ou être là pour elle? Quand elle avait parlé, quand elle lui avait demandé d'être là pour elle, cela sous-entendait pour toute leur vie, aujourd'hui, demain, après-demain, jusqu'à... Non, au delà de la mort. Elle regarda son compagnon et marqua un temps d'arrêt.

"Ne me quitte pas... Je ne le supporterai pas. Te perdre à nouveau, je veux dire"

Elle le fixa intensément, regardant l'effet de ses paroles sur lui, se demandant s'il répondrait, s'il éluderait la question et s'écarta légèrement pour mieux l'observer. Elle ne voulait pas le perdre. Mais s'il n'était pas sûr de pouvoir être là pour elle, toujours, prendre soin d'elle, elle partirait. Elle avait trop d'orgueil pour rester dans ce cas-là. Elle ne pourrait pas. Elle ne pouvait pas imaginer qu'ils pourraient se séparer à nouveau. A cette idée, son coeur se serra et manqua un battement. Elle avait peur, tout à coup. Peur qu'il n'hésite, peur qu'il ne sache pas.

Il répondit vaguement au sourire Eileen, quelque peu perplexe quant aux deux mots qu'elle venait de prononcer avant de se blottir une fois encore contre lui. "Plus jamais..." Plus jamais quoi ? Se faire du mal comme ils s'en étaient fait tant ces deux dernières années ? Se séparer ? Se mentir en quelque sorte, parce que de feindre l'indifférence au mensonge, il n'y avait qu'un pas... Plus jamais quoi ? Il resta un instant interdit lorsqu'elle poursuivit. "Ne me quitte pas". Pourquoi voulait-elle qu'il la quitte ? Ils avaient eu tellement de mal à se retrouver... Lui non plus ne le supporterait pas, il n'y avait qu'à voir ce qu'il était devenu en ces deux années éloignés l'un de l'autre... Il avait beau sauver au maximum les apparences, il n'avait été que l'ombre de lui-même ces derniers temps : où était-elle passée, sa belle assurance, son arrogance même, d'adolescent ? Et ses rêves de gloire sur un terrain ? Et tous ces instants qu'ils avaient partagés, et qui donnait un peu de couleur à ses souvenirs, et ce parfum si particulier. La perdre à nouveau...

- Plus jamais, répéta-il en passant une main dans ses cheveux. Plus jamais.

Elle le dévisageait, attendant manifestement sa réponse, et sans qu'il sache trop bien pourquoi, il comprenait, intuitivement, que ces quelques mots pesaient bien plus que tous les serments du monde. Avouer qu'il avait besoin d'elle écorchait sa fierté, mais il ne prendrait pas le risque de la voir partir encore. Quelque part, ces deux mots répétés apportaient déjà une réponse, mais il n'était pas certain que ça suffise.

- Je t'ai déjà perdue une fois. Je ne veux jamais voir tout ça se reproduire.

Mal à l'aise avec les mots, il passa une main dans ses cheveux. Ca n'avait jamais été son fort, les grands discours, est-ce que son regard n'aurait pas pu suffire ? Parce qu'à cet instant, où il ne la quittait plus de ses prunelles sombres, leur éclat valait bien tous les discours de la terre. Ses mains se refermèrent sur les siennes, et il se décida à poursuivre.

- Je suis pas très doué pour les palabres, tu le sais... Mais je serai toujours là... Tant que tu voudras bien de moi.

Il porta une de ses mains à ses lèvres et y déposa un baiser, comme pour ponctuer ce qu'il venait de dire.